• La fête à Reggie

    La nuit nous fut bréve mais combien bienfaisante, sauf pour la petite bonne, effectivement perdue en mer, et quand je rejoins la passerelle de commandement, puisqu'aussi bien me voilà cinquiéme officier du bord, mon âme est toute imprimée d'humilité et d'un certain respect pour moi-même. Oh certes je ne compte pour rien ces fonctions subalternes "d'insaisissable assassin" que je ne souhaite point remplir du moins dans un avenir trop rapprôché, et d'abord comment s'y prendre, j'en serais bien incapable, je m'en suis ouvert à ce cher Bandonéon qui m'a d'abord encouragé dans cette nouvelle carrière:

    -Voyez vous vieille branche des assassins il en faut, de tout temps, n'est-ce pas, à mon époque j'en employais une floppée dans le clergé surtout et sur le côté "insaisissable" de l'affaire je crois sans m'exagérer pouvoir vous donner d'utiles conseils.

    Il est vrai que ce garçon peut être réconfortant, d'abord il a reçu une excellente éducation à l'antique collége de Memphis qui vaut bien notre vieille taule d'Abburton et puis il peut être de bon conseil, il n'y a que sur la question de ses pouvoirs supra naturels que je conserve quelque doute... et aussi sur le propos de l'odeur. D'ailleurs avant de le quitter je lui ai conseillé sans avoir l'air d'y accorder quelque importance:

    -Prenez donc une bonne douche vieille chose celà réveille le matin.

    J'espére ne pas l'avoir vexé.

    Sur la passerelle de commandement, notre commandant déguste son porridge en scrutant de sa vue perçante surmontée de bésicles les alentours.

    Avec le troisiéme officier John Shmuth, qui est un peu son cousin et qu'il a propulsé à ses côtés parce que la compagnie ne peut rien lui refuser, ils jaugent les icebergs et confrontent leurs mérites respectifs.

    -Celui-là me semble bien, pris comme il faut il devrait être tout à fait satisfaisant.

    -Oh Reggie et le petit là-bas est-ce qu'il n'est pas mignon?

    -Trop petit Johnnie, indigne de notre rang.

    M'apercevant notre estimé commandant me hêle:

    -Alors c'est aujourd'hui le grand jour mon cher!

    Le grand jour? Mais de quel grand jour veut-il parler? Je n'y avais point porté attention mais je me rends compte qu'il est en grande tenue, décorations nombreuses et méritées au poitrail et que là-dessus il a posé sur ses épaules bien dessinées une cape d'hermîne du meilleur effet qui le rend un peu plus régnant que d'ordinaire, on dirait le roi Arthur au plus haut de sa carrière.

    -Et en plus celà tombe le jour même de mon anniversaire, avouez que ce serait dommage de s'en priver. Vous allez me préparer les chaloupes, pas plus d'une paire de râmes sans quoi ce ne serait plus du sport et aussi...

    -Mais... mais... mais commandant, nous sômmes le 10 Avril, les... les événements sont prévus pour le 11...

    Ah comme je m'en veux tout de suite de la désillusion, de l'extrême déception que je provoque sur ce beau visage de marin.

    -Vous êtes sûr monsieur le cinquiéme officier?

    -Je suis trés affirmatif commandant.

    Trés vite il se ressaisit:

    -Eh bien soit, nous patienterons. Vous avez prévu quelque chose quand même.

    Au temps où Pump-Hurryman n'était pas encore le toqué qu'il est devenu l'anniversaire de notre commandant était toujours une joyeuse fête pleine  d'entrain et de surprises.

    -Une petite surprise? Implore-t-il.  Je ne sais pas... j'avais pensé un jeu de piste... quelque larcin étonnant ou mieux un petit assassinat, un rebondissement saugrenu comme je les aime tant. Enfin vous êtes Fantaltomass ou non? Je veux espérer que vous n'avez pas oublié mon anniversaire, dois-je vous rappeller que c'est dans les attributions du cinquiémé officier que la préparation de mon anniversaire. 

    -Euh oui... oui de fait... il n'est pas impossible que... en effet... cette nuit... mais c'est à vous de jouer sir maintenant.

    -Ah le brave garçon, je savais bien qu'il n'avait pas oublié, et bien mais nous allons nous y atteler, aprés le porridge, faut-il que je compte?

    -Ah certes oui, jusqu'à 45789 si celà ne vous décourage pas commandant.

    -Nullement, Johnnie voulez-vous compter.

    -Et l'on ne triche pas gentlemen! Improvisai-je  avant que de m'enfuir dans les coursives à la recherche d'une possible victîme.

    Je me maudis d'avoir fait preuve de faiblesse la veille, tout en détaillant les vieilles dames souriantes et avenantes qui me rendent mes salutations sans se douter des mes noires intentions. Celà vient... oui je crois que celà vient... c'est comme tout celà s'apprend, il faut seulement y montrer un peu d'application.

    Quelques minutes aprés je suis en train de m'énerver sur le cou de cette pauvre veuve Van Der Donf des Tréfileries Van Der Donf, une mienne compatriote, j'avais pensé que si je restais en pays de connaissance peut être..., bref qu'avec une belge ce serait plus facile la première fois. Que nenni la vieille flamande se défend, me griffe, se débat et quand entre deux "Aaargleux.." parvient à articuler un "Allay lieutenant une fois 'ous z'êtes don' devenu toc!Toc! " j'ai un peu honte, je le confesse... de mon inexpérience. Je reprends mon souffle, elle aussi, je reléve la tête, contrarié et je marmonne:

    -Tiens Bando ne vole pas droit aujourd'hui!

     Agaçant cette manie qu'il a de se déplacer par voie aérienne dés que j'ai le malheur de laisser le hublôt de notre cabine ouvert. Souvent ils croise dans l'éther la Féé à Moustaches qui d'aprés lui se montre particulièrement véloce en ligne droite même si elle braque mal dans les virages sur l'aile. Il tourne autour de notre batîment et atterrit juste à côté de moi.

    La veuve belge profite de ma distraction pour s'enfuir aprés m'avoir envoyé son transat à la figure.

    Ce brave Bando est tout essoufflé:

    -Ah la vache elle m'a encore gratté... dîtes donc viielle branche vos esclaves se sont enfuis, vous étiez au courant?

    -Mes esclaves? Ah les prisonniers du commandant vous voulez dire? Evadés vous êtes sûr vieille chose?

    -Naturellement je suis sûr, je viens de voir comment... mais si votre éditeur c'est ça? Il a dérobé une chaloupe avec ses collaborateurs chinois, ils l'ont mise à la mer et ils ont ramé avec les mains (mais tellement de mains comment lutter?) jusqu'à cette naute de guerre "Der Gross Malher" je pense c'est le nom qui est écrit dessus. Les allemands l'ont hissé à bord, ils lui ont fait bon accueil et lui était trés énervé... vous voyez... rutilant en Diable et il s'est mis à gueuler à l'adresse de votre collégue... mais si ce Von Plombenheim ou quelque chose comme ça qui commandait le pont:

    -Coulez-moi tout de suite ce feuilleton!

     -Aaaw êtes-vous sûr de celà vieille chose?

    -Je m'étais posé sur un canon de 50 pouces pour me reposer, J'ai entendu la chose de mes oreilles et il trépignait et désignait le R.M.S. Terribeule avec un entrain terrible et ce Von je ne sais quoi lui a dit:

    -Mais nous ne sômmes pas en guerre Herr Editor!

    -Vous rigolez c'est des pirates, et vos éperons et votre montre, et vos bottes, qui c'est qui vous les a soulevés? P'être pas z'eux? Z'avez le droit je vous dis! Et moi aussi je suis l'éditeur non ! Feu quoi merde!

    Le Plonbenheim était à moitié convaincu, il a quand même élevé une objection:

    -C'est que ma tante en chef la baronne Von Plombenheim est à bord?

    -Mais on s'en fout de la vieille... et même au contraire... comme ça vous hériterez plus vite mon vieux.

    L'argument a porté, le lieutenant a murmuré encore dans un sourire assez malsain:

    -Je vais en référer au Sur-Amiral.

     -Et vous pensez... allons donc mon cher Bando, j'imagine mal les allemands, gens de principes bombarder un feuilleton civil, nous sommes entre marins que Diable mon cher c'est difficile de...

    Je me tais quelques instants le temps d'admirer la trajectoire sifflante de l'obus de 50 pouces qui nous survole et vient s'écraser dans beaucoup de bruits sur le onziéme pont inférieur.


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