• Je me précipite, quoique sans trop accélérer le pas, jusqu'à la passerelle de commandement où je trouve le troisiéme officier, le cher John en train de compter, il en est je crois à 42756 et notre commandant qui une fois son porridge envoyé se détend en péchant à la ligne, l'un de ses passe-temps préférés avec le cricket, nous autres gens de la mer avons des goûts simples, dans le même temps il écoute sans heureusement les entendre les récriminations de la veuve Van Der Donf:

    -... et ce chenapan s'excitait sur ma personne une fois que c'en est une honte... tenez mais le voilà don' dégoutant personnage!

    Je pare avec assez de brio, il me semble, les coups d'ombrelle non sollicités avant de rejoindre notre maître à bord:

    -Ah dîtes-moi garçon est-ce vous qui avez commandé un obus chez Bloomingdale's, cet excité d'hugh Uppontime m'annonce que vous venons d'en recevoir un par le travers?

    -Nullement sir, les derniers achats que j'ai effectués chez... chez Sears précisément, concernaient, voyons, il me semble...

    -... sous-merde à chat, nouille molle, impuissant, même pas foutu de me violer ce con-là savez-vous !

    L'on murmurait à Bruxelles que madame Van Der Donf quoique veuve des Tréfileries Van Der Donf était de basse extrace, ancienne danseuse nue ou quelque chose comme ça, j'en suis pour ma part maintenant pleinement convaincu. Dieu du ciel quel langage!

    -... oui un équipement nocturne complet pour mon vélocipéde qui m'a d'ailleurs été livré dans les délais, il y a deux jours par ballon.

    -Alors je ne m'explique pas cet incident, bah nous verrons bien... tenez voilà monsieur le second officier il va sûrement nous fournir quelque éclaircissement.

    Hugh Uppontime surgit en brandissant un papier:

    -Commandant un radio-télégramme du Cuirassier lourd "Der Gross Malher".

    -Eh bien lisez vous voyez bien que je suis occupé, je crois bien que ça mord messieurs!

    -"Rendez-vous vous êtes cernés (par les glaces). Premières semonce."

    -Serions-nous en guerre avec l'Allemagne? Le Times en aurait parlé, en pages intérieures quand même ou au moins dans les sports.

    -J'ajoute que nous avons à déplorer 74 morts et 115 blessés parmi les irlandais des ponts inférieurs commandant.

    -N'en faisons pas un drâme, Uppontime, c'est sans doute un malentendu, dîtes aux irlandais que j'assisterai aux funérailles, celà leur réchauffera le coeur.

    -C'est qu'ils veulent les enterrer dans leurs champs de pomme de terre.

    -Eh bien soit, si ça les amuse, soyons sport, et puis cablez derechef à ce prussien que le coup est joli certes, donnez leur le score, mais qu'il vient expressément en contravention de toutes les lois internationales en particulier de l'article 658 bis et suivants qui régit l'envoi de semonce appropriées, soulignez le mot... et puis dîtes au premier maître de donner un petit coup de barre à babord et juste aprés un petit coup à tribord et de recommencer ainsi quelques fois... vous saisissez la finesse monsieur le cinquiéme officier, c'est technico-tactique, un mien entraîneur de cricket qui m'a appris la chose quand j'étais au Collége naval... ah le fil a cassé...

    -Permettez sir que je change votre fil, dis-je avant que d'ajouter, puis-je me permettre commandant avec quelle main saluez-vous?

    -Question étonnante garçon et quelque peu intîme! Ma foi à mon âge on ne salue plus mon jeune ami mais je me torche de la dextre me dit-il en exhibant sa senestre.

    -Alors vous êtes gaucher.

    -Croyez-vous?

    -Vous ne le saviez pas?

    -Jamais remarqué. Tiens don' je crois bien que vous avez raison garçon, celà pourrait expliquer quelques uns de mes naufrages incompréhensibles, une fois je commande babord toute prés de la passe Mulcrew en avisant un banc de sable et nous donnons en plein dedans en allant sur tribord. Enfin c'est l'inverse si l'on suit vos explications... étonnant ce que la navigation peut être source de nouveautés et de découvertes, même encore à mon âge.

    Les ordres pris le batîment s'ébroue un peu et part en zigue comme un ivrôgne somnambulique mais le second obus nous rate de trente pieds au moins.

    Ce qu'il y a d'admirable chez cet homme est sans doute que l'art du commandement n'ait point tout à fait congédié chez lui le tempérament artiste.   

     


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  • Contrairement aux allégations de l'éditeur le collectif des auteurs n'est pas en panne d'inspiration mais en grève illimitée jusqu'à la révision de leurs conditions de travail et l'engagement pris par l'éditeur de renoncer à son projet de nous délocaliser en mer de Chine.

    -Personnellement la Mer de Chine pour un naufrage je déconseille fortement. Intervient notre commandant.

    -Mais mon commandant bien au contraire c'est l'idéal, il y a des requins en quantité en Mer de Chine ce sera autrement spectaculaire que vos icebergs à pingouins. Insiste l'éditeur.

    -Vous pourriez en faire venir ici quelques uns peut-être? Par Internet en 4° classe ce ne doit pas être d'un coût excessif.

    -Les pauv' bêtes! En plein Atlantique-nord vous rigolez mon commandant.

    -Je n'en ai point l'habitude, jeune homme.

    -Trois mois qu'on a embarqué et on a touché que la prîme d'embarquement depuis plus rien! Reprennent comme un choeur antique les auteurs. 

    -Je vous ai déjà dit que j'avais en ce moment quelques embarras, mais enfin merde vous imaginez pas ce que ça coûte un feuilleton interneto-diffusé... et une superproduction encore, rien que les 8000 connards à bord, 'faut les nourrir quoi merde!

    -Je vous en prie surveillez votre langage, jeune homme! Déclare notre commandant avec la sobre autorité qu'on lui connait.

    - De toutes façons c'est décidé, je prends des auteurs chinois et direction la Mer de Chine.

    -Sans moi jeune homme, J'ai fait onze fois naufrage dans l'Atlantique-Nord mais je ne connais pas un gentleman qui consentirait à aller s'abîmer en Mer de Chine. Et pourquoi pas dans le Yang-Tsé-Kiang tant qu'on y est!

    Vrai cet homme m'émeut quelle dignité!

    L'éditeur lui perd ses nerfs:

    -'tain si ça continue je vous mets sur un sîte indonésien!

    -Ce ne sera pas la même audience de qualité.

    -Non mais vous rigolez, j'appelle ça "lachatteabritney.com" et vous allez voir l'embouteillage mes bonshommes! 

    A ce moment Mademoiselle Shwartzgurd arrive en fond de câle où sont logés les auteurs et où se déroulent les négociations:

    -Je voudrais bien savoir comment se termine cette édifiante histoire, avoue ingénuement notre bibliothécaire, je prise particulièrement les feuilletons... maintenant s'il s'agit véritablement d'une panne... j'entends une panne d'inspiration je propose pour terminer une sorte de grande fête amoureuse et sensuelle.

    Le petit policier français venu lui aussi aux nouvelles s'exclame:

    -Une partouze... elle veut que ça se termine en partouze! Manquerait que ça! Je vais prévenir la mondaine par radio-télégraphe qu'ils nous envoient du monde!

    -Oh c'était juste une suggestion. Boude Mademoiselle Shwartzgurd. 

    Quand je pense à la petite bonne toujours suspendue dans les airs entre les deux batîments, avec la nuit qui vient, je la prends en pitié.

    Les négociations se poursuivent sur le même ton non négociable jusqu'à ce qu'arrive le Révérend Hooples qui ne comprend trop rien à la situation et propose de mettre notre commandant aux fers.

    -Et au motif mon révérend?

    -Au motif commandant que vous êtes Fantaltomass

    -Première nouvelle!

    -C'est vous même lieutenant qui me l'avez dit aprés que vous eussiez découvert son déguisement de rat d'hôtel ravaudé.

    -Mais c'est vous-même lieutenant qui me l'avez fait porter par l'entremise de votre ami égyptien! Explique notre commandant à ma grande confusion.

    -Si je comprends bien c'est la personnalité de ce Fantaltomass l'insaisissable assassin qui pose problême, les auteurs ne savent pas eux-mêmes qui il pourrait être n'est-ce pas messieurs?

    -Ma foi, révérend, on est un peu dans le flou, les veilles prolongées, l'alcool aidant, le travail sur écran, on voit double, on sait plus trop où on en est... on avait pensé que peut-être ce pourrait être le lieutenant...

    Qu'entends-je, moi Fantaltomass l'insaisissable assassin:

    -Spéculation absurde. Dis-je avec fermeté. Si je l'étais je pense que je m'en serais rendu compte messieurs... enfin il me semble...

    Mais de fait je ne suis plus aussi affirmatif, aprés tout les phénomênes de somnambulisme et de bilocation pourraient peut-être expliquer...

    -Y voyez-vous quelque inconvénient Lieutenant? insiste le révérend qui déguisé en Savonarole est assez persuasif, pourtant je trouve la force de rétorquer:

    -Je ne puis être raisonnablement Fantaltomass l'insaisissable assasssin puisque ma vocation est la marine, non l'assassinat et que je ne suis pas insaisissable.

    -Je vous donnerai des tuyaux, laissez-vous faire... me murmure l'inspecteur de la Sureté française.

    -J'ajoute que dans la cas d'une réponse favorable de votre part monsieur le douziéme officier vous prendriez sur le champ la charge de cinquiéme officier du bord.

    Christ la proposition devient bigrement intéressante! Ah il y tient à son douziéme naufrage notre commandant, maintenant savoir d'où partira le coup?

    -Bien j'y consens. M'entends-je murmurer à mon grand étonnement.

    -Fort bien la question est tranchée monsieur le cinquiéme officier et je crois à la satisfaction des auteurs? Déclare notre commandant.

    Les auteurs soulagés approuvent mais cet idiot d'éditeur tout à ses combinaisons mal nées ne veut rien entendre et il a commencé d'installer ses auteurs chinois dans une cuve à huiles lourdes désaffecté entre la treiziéme et la quatorziéme chaudière, il leur jette quelques paillasses, trois quignons et les engage à se mettre au travail sur le champ. Ce qu'ils font à la stupéfaction générale en frappant tous ensemble avec énormément de mains ( comment lutter?) pour ne point perdre de temps sur un vieux clavier clandestin:

    -Vous pourriez vous occuper de la petite bonne toujours accrochée là-haut entre les deux batîments! Dis-je inaugurant mon impérium de cinquiéme officier. 

    -Petite bonne s'en fout, cable a pété bouffée requin, important: capitaine de la jonque grand eunuque quoi faire? Me répond le chinois en chef.

    Leur interrogation laissant entrevoir un  destin sinon douloureux au moins amoindri pour notre estimé capitaine force sa réaction et son organe retentit dans ces sous-sols immenses et métalliques avec une allonge peu commune

    -Moi Regginald Horacio Shmuts en eunnuque conducteur de jonque! Fichez-moi toute cette pouillerie aux fers et vite!  

    L'éditeur proteste, menace mais il n'obtient que quelques coups de crosse de supplément et aucun régîme de faveur.

    Enfin nous voilà revenu à notre destin atlantique à la satisfaction de tous et de chacun.


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  • Communiqué de l'éditeur:

    Le R.M.S. Terribeule bien que navigant ordinairement au charbon est actuellement empanné du fait d'une absence totale de souffle sur le front ridé et naguère inspiré des auteurs. Toutes contributions permettant la remise en route du déploré transatlantique vers sa fin tragique sera la bienvenue.


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  • Mon cher journal (de bord) je ne sais plus quoi penser, c'est une telle précipitation d'événements contradictoires. Aujourd'hui, nous sommes le 8.4.1911, il était annoncé un grand bal masqué, c'était l'une des spécialités de notre commissaire de bord que l'organisation de telles festivités, à l'ordinaire il se déguisait en Roméo, et il était parfaitement ridicule en céladon bouclé et bondissant, aujourd'hui et comme tous les jours il est déguisé en desperado et il est simplement terrifiant, il toise les baronnets travestis en marquis et souléve les jupons de leur Pompadour. Je me rends auprés de notre commandant qui m'a fait appeler, toujours ces histoires de toilettes, quand j'arrive dans sa cabine, il se prépare dans son salon de bains:

    -Ne venez pas tout de suite, je ne suis pas encore prêt, vous allez pouvoir me dire votre avis, lieutenant.

    Pour me trouver une contenance, je feuillette quelques revues techniques posées sur une table: Packet-boat driving weekly et le Steamer's litterrary supplement où je découvre un article furieusement annoté intitulé: Fumbling across the ices  que l'on pourrait traduire en belge par "En tatônnant à travers les glaces." et qu'il a ponctué de "splendid ! et de "waooooh!"" tout à fait ingénus mais ce qui me glace soudain l'âme ne sont point ces commentaires d'amateur mais ce que mes yeux découvrent sur le lit du commandant et dont je livre ici le compte : un masque noir, une paire de ballerînes et un tricot de soie de la même teinte, enfin une paire de collants tout aussi sombre dont le fond est recouvert de tissu écossais. Dans l'instant et sans doute parce que mon encéphale d'ordinaire peu sollicité et médiocrement mécanisé est subitement comme électrifié, je comprends que notre commandant est en fait Fantaltomass l'insaisissable assassin!

    Trahi par l'émotion, je quitte la cabine et je bute sur Lord Evil et son domestique, à moins que ce ne soit l'inverse, qui se rendent au bal masqué des premières, ils se sont déguisés en Don Quichotte et Sancho Pança étant posé leur parfaite ressemblance on ne sait toujours pas qui fait le maître et qui fait le valet. Je croise aussi Dame Agnota Pristie qui se révéle être son époux sir Sam:

    -Un petit clin d'oeil à mon épouse, avouez que vous avez marché lieutenant?

    Mais je n'ai pas envie de plaisanter et je me réfugie dans ma cabine, malheureusement depuis que je coahabite avec ce cher Bando le lieu est devenu irrespirable aussi chaque nuit je dors dans un transat sur le pont et je me léve assez fripé et rafraîchi au matin, il fume sans trêve ses écoeurantes cigarettes égyptiennes et puis, et je le dis en toute amitié, il pue toujours autant. Je lui vole l'une de ses bouteilles de rye, il en abuse soyons franc, et me retrouve sur le quatorziéme pont au moment où passe le Révérend Hooples qui a revêtu une bure de moine pour l'occasion, il ressemble à Savonarole:

    -Comment vous trouvez lieutenant?  Je voulais savoir comment l'on se tenait là-dedans, savez-vous que c'est trés confortable! Eh bien quoi qu'avez-vous garçon? 

    Je me jette dans ses bras et lui raconte dans le détail ce que je viens de vivre avant que de conclure, dans l'hébétude où m'ont plongé l'alcool et les événements:

    -... révérend, je ne sais même plus qui je suis... aprés tout qu'est-ce qui me prouve que je ne suis pas en fait Brian O'Brien ou l'un de ces quelconques irlandais du huitiéme entrepont! 

    -Voulez-vous véritablement que je vous dise ce que vous êtes lieutenant!

    Il semble plus en colère aprés mon attitude qu'à cause de mes révélations, se mouche bruyamment dans la manche de sa bure avant de continuer:

    -Maintenant si ce que vous me dîtes là est vérifié pour le commandant j'entends, il serait préférable de le mettre hors d'état d'agir avant qu'il ne nous jette contre un iceberg un peu aiguisé!

    -Vous n'y pensez pas ce serait de la mutinerie? Imaginez que je me sois trompé, c'est ma radiation assurée du courrier des lecteurs du Times et de la fraternelle des anciens farceurs du collége d'Abburton.

    -Certes, certes, malgré tout il nous faut agir, sur qui pouvons-nous compter?

    -Il y aurait bien cet imbécile d'Humpster-Dumpster, il s'inquiéte tellement pour son bateau... et puis il y a ce cher Bando!

    -Bando? Ah oui votre... votre ami, je l'ai croisé tout à l'heure sur le onziéme pont il ne marchait pas tout à fait droit et il était déjà déguisé à onze heures du matin! Enfin il faut faire avec ce que nous avons, par exemple je serais bien saisi si nous arrivions à bon port... qu'est-ce que c'est que ça?Des passagers quittent donc déjà ce raffiot!

    Le révérend Hooples me désigne le transbordement délicat en train de s'accomplir par cable et haussière des domestiques d'un charmant jeune couple de Boston John et Viviana Pure, ils sont en voyage de nôces, ils ont fait venir leur yacht Luciferian de Boston et ainsi qu'il était prévu ils montent à son bord afin de terminer leur voyage de nôces vers les mers du sud. 

    -Ils sont charmants n'est-il pas révérend?

    -Ils ont payé moitié tarif alors? Me répond avec quelque aigreur le révérend Hooples. Joli souci d'économie.

    -Non pas répliquai-je avec ardeur tant ce jeune couple amoureux m'émeut, ils ont insisté pour régler le billet complet, il faut dire que le père du jeune homme est le banquier T-J. Ponderous.

    -Un homme de poids certainement! grince le révérend. Malgré tout ils auraient pu donner un autre nom à leur nid d'amour! 

    Je n'ajoute rien car le R.M.S. Terribeule vient subitement de s'arrêter. En plein atlantique et qui plus est en double file puisque le Luciférian nous borde, celà est peu commun et ne laisse pas de m'inquiéter, tout autant que la femme de chambre encore suspendue dans les airs et qui se demande ce qu'il se passe.

     Je vais aux nouvelles, avise le huitiéme maître d'équipage, rougeaud et furieux, mais ils le sont tous:

    -Que se passe-t-il? Une avarie aux machines?

    -Pensez-vous ce sont ces cons-là... comment déjà... les auteurs... parait-il qu'ils ont plus l'inspiration... voudraient faire un syndicat et je sais pas quoi... ah oui, ils veulent changer de classe, monter en septiéme classe...'des conneries quoi! 'te fusillerais tout ça moi! 


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