• Le 11.4.1911... assez tôt le matin... je n'ai point pensé à regarder l'heure, tant que je n'ai pas pris mon petit déjeuner je ne suis bon à rien le matin.

    -... commandant les compartîments étanches babords, tribords et seniors ne sont plus étanches, le plombier du bord dit qu'il ne peut rien faire tant que l'électricien n'est pas passé! S'exclama le second Hugh Uppontime. Il s'exclamait trés bien depuis que ces imbéciles de Pump-Hurryman et Pipola Narcosy avaient enfin consenti à le relâcher "pour la bonne marche du batîment mais t'éloigne pas hein, interdiction de quitter le coin, d'ailleurs je garde tes papiers des fois que tu voudrais filer! ".

    Chacun de regarder notre estimé commandant et d'attendre quelle serait sa sentence, il referma le col de son vison, sans doute en pensant à l'Angleterre tant sa fermeté nous surprit:

    -Voyons... voyons... si nous envoyons le quatriéme officier vérifier dans le détail tout celà!

    -Vérifier! Vous n'accordez donc pas de crédit à ce que je dis! S'exclama à nouveau le second.

    -Mais non mon cher, vous avez sans doute raison et je vous fais toute confiance... le fait que vous soyez un ancien repris de justice ne compte pour rien à mes yeux...

    Il voulait parler de son jugement et de son incarcération récents dans la prison du bord à la suite des accusations du petit inspecteur français.

    -Mais... mais... protesta-t-il en victîme du sort. 

    -Voyons... voyons... continua notre commandant avec un calme une sureté  et surtout un esprit de décision qui impressionnaient tout le monde. On aurait dit Nelson mais sans les accessoires, ni tonneau, ni bandeau, ni boulet, juste un homme.

    Il continuait de réfléchir et je célais le lâche soulagement que je ressentais car à la suite des événements qu'avaient connu notre bord depuis le second départ de Saouchamptonne, le quatriéme officier c'était moi. Bel ascension sociale mais qui n'était pas seulement le fait de ma valeur, reconnaissons-le, je n'avais aucune envie d'aller patauger en dessous et de mouiller mes pyjamas, je n'avais eu le temps que de passer... une casquette... comme les autres officiers du bors, à l'exception de cet imbécile de Humpster-Dumpster qui dormait tout habillé, pour celà sans doute qu'il était demeuré douziéme officier.

    -Voyons... voyons... et si ... et si nous organisions un grand jeu concours: il faut sauver le R.M.S. Terribeule! Vous voyez ce genre de chose... Pour les modalités et le réglement voyez le quatriéme officier... ah il faudra trouver un huissier pour le dépouillement, on doit bien avoir ça à bord! Et n'oubliez pas la question subsidiaire, important! La question subsidiaire c'est toujours là que je cale dans les concours de la Shipman Monthly Reviouve... et aussi sur les questions techniques. Puis aussi tenez un grand concert sur le pont principal dans le genre Saive ze R.M.S. Terribeule avec des briquets allumés...

    -Des cierges seraient peut-être plus appropriés commandant.

    -Enfin ce que vous voulez d'allumé et attention à la circulation des plantes hallucinogênes, surveillez bien les vieux militaires retour des Indes, ils en abusent.

    Comment ne point admirer un tel homme!

    Etant désigné comme organisateur de... de la "sauterie", je hasardais quand même un timide:

    -Et pour celui qui nous aura fourni le bon résultat, j'entends celui qui nous permettra de nous sortir du mauvais pas où nous sommes...

    -Ne dramatisons pas lieutenant. Et bien oui quoi?

    -Le gros lot enfin commandant?

    -Je ne sais pas moi, tenez une nuit d'amour avec Lady Agnotha Pristie, j'ai entendu un bolivien en dire le plus grand bien.

    Malgré la situation compliquée où nous nous trouvions, nous ne pûmes nous empêcher de sourire.

    -Encore une chose  commandant... le jeu concours est-il ouvert aux... aux petits saligauds qui vont regarder des dames à poils sur internet?

    -Mais bien sûr lieutenant, il faut bien que tout le monde s'amuse, dîtes leur donc d'envoyer par la même occasion, à leurs prôches, à leurs connaissances un message dans le genre : "S.O.S  R.M.S. TERRIBEULE PLEASE!", vous voyez quoi quelque chose de sobre mais précis. Que celà circule!


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  • Me voilà confondu, le petit inspecteur de la sureté française m'a emmené au poste, pour vérification de vérification. Procédure compliquée car d'inspiration française. Avec l'aide de ce fou de Pump-Hurryman il a reconstitué un poste de police français, véritablement l'on se croirait dans l'un de ces pittoresques commissariat d'arrondissement parisien, j'en ai visité quelques uns l'été dernier lors de "relâches parisiennes",  il ne manque rien pas plus le comptoir où l'on sert quelques spécialités maison à base de chaussures à clou, les pélerines qui séchent au dessus du poêle à charbon, les vélos dans un coin et les parfums mélangés de vin rouge, de soupe au chou et de chaussettes.

    -... des jours que je le surveillais du coin de l'oeil ce pékin-là, je le reniflais eh ben ça a pas manqué!

    -Vous êtes sûr chef que c'en est bien un? S'interroge l'un de ses subordonnés au front bas et à la moustache tombante en contemplant "mon" cadavre, le cher Bandonéon XXXVII que l'on a placé sur mon insistance auprés du poêle et où il se réchauffe lentement.

    -Un quoi?

    -Un assassiné, il est habillé bizarre... et puis ce qu'il peut puer!

    -Ah ben ça les victîmes ça sent pas toujours la rose, on peut pas leur en vouloir,'font ce qu'elles peuvent, tu verras quand tu auras autant de métier que moi...

    Quand même, l'inspecteur qui a quitté ses chaussures pour être mieux à l'aise, comme chez soi ,se léve pour venir renifler sa prise:

    -Ben tiens don' sans doute il l'aura étranglé, avec la bande là qu'il a autour du cou... aides-moi Mouchot à lui retirer ça, c'est l'arme du crîme!

    Et cet imbécile de commencer de dévider de la bandelette, aprés quelques kilométres, il a des doutes:

    -Tiens il avait un louis dans la bouche. C'est vrai qu'il boucâne, avoue tu l'as tué avant le départ! 'y a combien de temps qu'il est comme ça?

    -Une petite quarantaine de siécles inspecteur. 

    Quelque chose le parcourt, une onde de lucidité, comme celle qui traverse le poisson ferré en découvrant que la mouche espérée n'est qu'une plûme tortillée savamment, un piége à Scombre.

    -Bon mets-celui-là en cage, Mouchot, et aprés tu feras entrer l'autre!

    La cage est authentiquement une cage, grillagée sur tous ses côtés dans laquelle sont déjà enfermés deux supposés ivrôgnes dont l'un est l'héritier des conserveries Wilhem Sorrën de Stockolm et l'autre son excellence le ministre de Suéde à Londres accompagné de son épouse, sans doute l'inspecteur aura-t-il pris leur suédois de cour pour un signe manifeste d'ébriété.

    Le douziéme officier Brian O'Brien a été dépêché par notre second pour venir me chercher et procéder aux formalités administratives, malheureusement il prend les choses de haut, trouve la procédure superflue, s'iirite, s'enflamme en bon irlandais qu'il est et se retrouve trés vite... dedans:

    -Rebellion, outrage à agent, jetage d'inspecteur à la figure d'un subordonné, ton compte est bon!

    -Le tien petit inspecteur de mes fesses n'est pas meilleur!

    La voix vient d'au-dessus de nous, du plafond de notre cage, je léve la tête et reconnais l'homme masqué en collant noir, il nous surplombe, plus sardonique et retentissant que jamais:

    -Fantaltomass! Crie l'Inspecteur.

    -Lui même pour te servir et mieux encore te chier dans les bottes ah! Ah! Ah! 

    C'est étonnant il parle comme un sociétaire de l'Odéon qui jouerait Méphistophélés avec un peu trop d'intention et s'exécute avec aplomb dans les chaussures abandonnées de l'Inspecteur, rajuste son collant et commence à tournoyer dans la piéce et s'accrocher au lustre et tout ce genre de choses et les policiers français de lui courir aprés, de tirer des coups de feu et s'engueuler.

    Pendant ce temps dégelé et réveillé par la chaleur bienfaisante du poêle, Bandonéon XXXVII, profitant du désordre insensé qui gouverne maintenant le poste et avec beaucoup de décision décroche les clefs du clou réglementaire et vient nous délivrer, bien entendu nous n'attendons point notre reste, c'est à dire le cher Brian O'Brien qui argumente à coups de poing, entre nous voilà un petit scandale qui pourrait me valoir une promotion plus rapide encore que je ne l'espérais et trés vite nous nous retrouvons avec les trois suédois et l'égyptien au bar du grill room des secondes, le seul encore ouvert à cette  heure-ci. 

    Les suédois boivent sec pour se remettre de leurs émotions, Bando, il a insisté pour que je l'appelle ainsi, parce que Sir Samuel Pristie lui a appris que c'était souverain contre le spleen. Il me parle de ses gosses, il en a une cinquantaine au pays, il aimerait bien avoir des nouvelles de la 27 ° Dynastie, il pense à ses femmes répudiées, 42 siécles qu'il a pas payé les pensions alimentaires, ça doit commencer à chiffrer, je le rassure, il paye sa tournée sans se faire prier, nous chantons en éthylo-anglo-belgo-suédo-égyptien.

    Vrai c'est un charmant compagnon doublé d'un ami utile et dire qu'il n'y a pas deux heures je voulais le précipiter dans l'océan. Ah l'existence est quelques fois absurde et rarement prouvée.


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  • Les publications de L'Urbaine des Arts 

    lurbaine@wanadoo.fr


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  • 6.04.1911. J'ai passé une nuit difficile,il faut dire que j'étais de garde de 4 à 8, le cher Humpster-Dumpster ayant pris un repos bien mérité aprés 57 heures de veille ininterrompu, je l'ai dit ce garçon est un angoissé mais  nous avons enfin pu le raisonner et le conduire jusqu'à sa couche. Bien que placé dans le nid de pie sur ordre du douziéme officier, Brian O'Brien, un garçon un peu trop énergique, exagérément irlandais que je ne devrais d'ailleurs pas tarder à supplanter selon les confidences de notre commandant qui ne l'apprécie guère et le tient pour "un rustaud, un paysan peut-être mais sans doute pas un marin!". Il faut dire que cet imbécile a proféré quelques commentaires désobligeants sur les tenues saumonnées de notre estimé commandant. 

    Me voilà donc perché à imaginer ce que serait ma vie de douziéme officier, mes émoluments évolueraient en conséquence et je pourrais sans dommages m'offrir quelques gratifications intîmes tels que... des freins sur mon vélocipéde. Certes la hauteur vous fait voir les choses et les êtres avec une certaine philosophie et malgré la température fort basse, bercé par de si douces espérances je me laisse aller à une légére somnolence qui ne dure guère plus d'une heure ou deux. 

    Quand je me réveille je découvre avec surprise que nous sômmes entrés dans les premières glaces, c'est un spectacle émouvant que ces blancheurs érigées par quoi nous naviguons avec adresse, car il est de la première prudence que de les éviter. Le second Hugh Uppontime m'a bien recommandé de lui signaler toute présence un peu trop considérable qui pourrait entraver notre route, ajoutant que son parfum préféré pour les glaces était la pistache, c'était un trait d'esprit aiguisé avec les moyens du bord qui chez lui sont assez limités. Passons.

    Pendant un temps j'observe les icebergs, spectacle bien vite lassant, aussi trés vite je me tourne vers le bateau pour en contempler les restes de vie nocturne, la lune est pleine et elle éclaire notre marche aussi bien que les ponts du batîment. Je m'interroge quand même aprés la suite d'événements que j'ai vécu, faut-il accorder quelque crédit à tous ces passagers qui au Havre ont quitté notre bord en déclarant que le R.M.S. Terribeule était un vaisseau maudit. J'en suis là de mes réflexions lorsque j'ai la surprise de découvrir le Révérend Hooples au pied de mon nid de pie, je lui fais signe de monter. Il montre une belle agilité pour un homme de prière.

    -Dieu comme l'air est bon à ces hauteurs!

    Nous nous retrouvons un peu à l'étroit mais sa présence m'est bienvenue. Trés vite il commence à bénir les icebergs, on croirait un missionnaire dans la jungle, il convertit à tout de bras ces grandes masses hautaines.

    -On ne prend jamais trop de précautions garçon. Si nous avons à vivre parmi eux quelque temps autant bien les disposer et les mettre de notre côté.

    Serait-il à son tour pris par cette sorte de folie qui a saisi notre bord et qui fait des furieux de caractéres calmes. Inquiet je vais pour l'admonester et le rappeler à une certaine raison lorsque j'aperçois accoudé au bastingage le pharaon... mais si comment déjà? Le souvenir d'Egypte de Sir Samuel Pristie. Il fume tranquillement une cigarette en regardant les flôts. Je ne rêve point d'ailleurs le Révérend Hooples l'a remarqué lui aussi, il faut dire que sa coiffe et sa tiare dorées sont fort visibles:

    -Dîtes-moi lieutenant voyez-vous ce que je vois?

    -Euh ma foi... il me semble... une personne déguisée... oui, oui, je connais,  en effet il y avait bal masquée dans la troisiéme classe...

    -Ah c'est celà! J'ai croisé tout à l'heure un homme masqué en collant noir qui s'agitait furieusement avec un chalumeau dans l'une des câles tribords où j'étais allé chercher du matériel pour l'office.

    Les câles tribord... oui celles de... droite donc... mais c'est là-dedans que l'on consigne dans les fers les personnes suspects! Mon Dieu il aura donc délivré nos prisonniers, voyons si je fais un rapide compte, qu'est-ce que nous avions en stock: quelques pickpockets, deux ou trois assassins, la réserve personnelle du Révérend Hooples... bah nous verrons bien, en bas les choses se gâtent, en me penchant à nouveau, je découvre avec stupeur ce... cette... cette chose... ce pharaon Bandonéon je ne sais combien qui s'agite au pied de "notre" nid de pie, il est évident qu'il souhaite venir nous rejoindre et contempler la vue. Je lui fais signe que non, mais le Révérend Hooples l'aperçoit à son tour et me dit:

    -Je crois que votre ami voudrait nous rejoindre, lieutenant.

    -Non, non... impossible... interdit aux civils... strictement... le réglement...

    -Il ne va pas comprendre que je sois là alors, c'est du favoritisme... ah d'ailleurs il n'a point attendu votre accord... il monte...

    Mon Dieu! Il monte même avec un bel entrain et il a vite fait de nous rejoindre, et celui-là est autrement plus encombrant que le révérend et puis comment dire il sent, dame une mômie! Malgré tout l'apparat qui lui reste il faut bien avouer qu'il n'est plus trop présentable. Bien heureusement le révérend Hooples est homme bien élevé:

    -Ah ah trés réussi le déguisement garçon! Le félicite le révérend.

    Bandonéon XXXVIII ou XXXIX..., je ne sais plus tant le trouble me gagne, nous offre des cigarettes, des égyptiennes à bout doré bien sûr. Il est visible que lui aussi a reçu une fort bonne éducation convenons-en, si seulement il pouvait puer un peu moins.

    Je ne sais trop à quoi nous ressemblons, tous trois ainsi serrés en haut du mât mais je préfére ne pas l'imaginer. Aprés quelques temps je me dois de constater l'inanité de sa conversation en même temps que la parfaite immobilité de mon compagnon, ces égyptiens anciens savent garder une certaine tenue, à preuve il pue moins, ce dont je lui sais gré, mais le Révérend Hooples me fait remarquer:

    -Votre ami est en train de geler sur place.

    C'était donc celà l'explication de son silence et de sa retenue olfactive, il faut dire qu'il est assez peu vêtu, sous ces latitudes il n'est pas trés raisonnable ni décent de sortir en... bandelettes, dans un sens sa rigidité pourrait être propice à mes projets, aprés tout  nous étions tous bien décidés à nous en débarasser n'est-ce pas et je ne suis pas d'une nature à renoncer. J'ai un peu de mal à convaincre le Révérend Hooples de m'aider à descendre notre ami pour l'aller coucher.

    -Mais lieutenant est-il bien décent de quitter votre guet alors que nous naviguons au milieu des glaces?

    -Quelques minutes, un petit quart d'heure, elles ne vont pas fondre, ne vous inquiétez pas nous les retrouverons à notre retour.

    Incroyable ce que ces terriens montrent de réticence et de prudence exagérée dés qu'ils se trouvent dessus un océan, nous autres marins savons estimer comme il convient ce qu'il peut y avoir d'emphatique trop souvent dans les humeurs de la mer et d'artificiel dans de supposés périls.  

    Nous transportons la mômie gelée sans grande difficulté, Bandonéon et quelques... a une condition physique de sportsman et fort peu de graisse, jusqu'à l'entrepont Z, tout à côté de la colonie irlandaise, l'endroit idéal pour une immersion, maintenant il me faut m'isoler. Je remercie le Révérend Hooples:

    -Sa cabine est à quelques pas, je vais prévenir ses compagnons.

    -Promettez-moi lieutenant de ne point vous attarder, n'oubliez pas que vous avez charge d'âmes et qu'une bonne part de notre destinée terrestre... ou maritîme est entre vos mains.

    -Pas la plus grande part convenez-en Révérend. 

    -Certes, certes.

    Il me quitte enfin, les choses se présentent au mieux, il ne me reste plus qu'à pousser cette... cette "chose" dans l'océan vaste et perpétuel, je me penche pour assurer la prise quand j'entends dans mon dos:

     -Hep vous là-bas! Z'avez vos papiers!

    Je me retourne et je découvre avec un sentîment d'horreur  ce petit Inspecteur de la Sûreté Nationale française, Chipota Barcosy ou quelque chose comme ça, celui-là même que sir Sam m'a présenté l'autre soir, il était alors à la recherche de cet insaisissable assassin ce Fantaltomas, à la regrettable réputation, depuis lors il ne semble plus trop s'y intéresser puisqu'il le laisse évoluer tout à loisirs jusque dans nos câles. Il préfére la fréquentation de notre commissaire de bord, cet imbécile de Pump-Hurryman, qui montre chaque jour une exaltation et un déréglement renouvelés. A eux deux et sur l'instigation du français ils ont fait placarder des affîches invitant tous les étrangers du bord à se faire connaître dans les meilleurs délais. Le révérend Hooples en a informé notre commandant, celui-ci a fait la remarque :

    -Celà risque de faire du monde et encore faut-il pour les reconnaître comme tels savoir de quel point de vue l'on se place, n'est-il pas vrai.

    -Ne pourrions-nous mettre le commissaire de bord et ce policier français aux fers commandant, oh par simple mesure de précaution et sans intention vexatoire.

    -Bah laissez-les donc s'amuser, s'ils veulent placarder, qu'ils placardent!

    En attendant le petit policier s'apprôche, une lanterne sourde à la main:

    -Je vous connais vous, où-est-ce que je vous ai déjà vu?

    -Sur ce batîment même, il y a un couple de jours.

    -Pas d'ironie ou je vous fous d'dans! Qu'est-ce vous transportez là? 'm'a tout l'air suspect...

    Il éclaire le cher Bandonéon et le reconnait pour ce qu'il est indubitablement:

    -Un cadavre!  


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  • -... l'esprit vient resserrons-nous! Nous commande Mademoiselle Shawartzgurd en me faisant un clin d'oeil qui me laisse à penser qu'elle ne croit qu'à moitié à ses talents médiumiques et à tout ce genre de manifestations.

    Nous sômmes une dizaine de personnes autour de la table, Dame Agnota Pristie, son époux somnolent, la baronne von Plombenheim, un comte italien barbu trés concentré qui lui masse le genou sous la table, sans doute pour aider à la venue de l'esprit, cet anglais original Lord Evil qui met son majordôme à sa table, deux sujets albanais qui pensent être là pour une partie de bridge, enfin un français à fine moustache que je soupçonne être celui-là même qui fournit Mademoiselle Shwartzgurd en ouvrages licencieux.

    -Viens à nous, nous t'appelons!

    A croire que ces suissesses ont une autorité naturelle car la table se met à trembler, pourtant la mer est d'huile.

    -Esprit dis-nous quel est ton nom? Insiste-t-elle.

    Et l'autre, j'entends l'esprit supposé, mais peut-être est-ce le comte italien manipulateur de genou? Mais non il a ses deux mains sur le meuble, et l'autre dis-je de commencer d'épeler son nom à coups brefs retranscrits par Mademoiselle Shwartzgurd:

    -... B... A...N...D...O...N...E...O...N...X...X...X...V...I...I... Bandoneon XXXVII ? Deux coups pour oui!

    -Pan! Pan!

    -Profession? Précise-t-elle avec une autorité de douanier.

    -P... H... A... R... A... O... N... pharaon c'est celà?

    -Pan! Pan!

    Nous voilà donc en ligne avec un pharaon, la farce est bonne mais je ne marche pas.

    -Que veux-tu nous dire ô esprit?

    Et alors là c'est un véritable déchainement, la table ne tient plus sur le sol tant l'esprit l'estoque, la libraire écrit sous sa dictée et nous livre enfin son recueil avec une réelle émotion:

    -Il dit... il dit que ce putain de raffiot de... de merle va... va couler.

    Le silence est unanîme.

    -Deux piques hasarde l'un des albanais.

    -Oh vous ça va hein, et toi je t'avais bien dit de ne pas emporter cette sâleté, oh mais tu vas me faire le plaisir de me foutre cette saloperie à la mer! C'est Dame Agnota Pristie trés emportée contre son mari soudain réveillé et quelque peu hébété.

    L'explication vient vite, je l'ai dit Sir Samuel Pristie est archéologue à ses moments perdus et lors de l'une de ses campagnes de fouille il a mis a jour en terre d'Egypte la dépouille d'un pharaon dans sa boîte à l'état quasi de neuf, le sus mentionné Bandonéon XXXVII de la vingt-troisiéme dynastie.

    Aprés l'avoir conservé quelque temps dans la cave de leur maison de campagne d'Highbury, à l'invitation d'une société savante américaine, il l'a embarqué à bord du R.M.S. Terribeule à fins de leur en faire don et ce sans en prévenir les autorités du bord, négligeant ainsi le paiement des taxes de bord et de douânes, qui en l'espéce pour un transport de pharaon en sarcophage et même en câle de quatorziéme classe sont fort élevées.

    Consulté par ces dames, je fais la réponse suivante:

    -Ma foi, mesdames, ce pharaon même retraité et en petite condition, n'en demeure pas moins un passager clandestin, je me vois dans l'obligation d'en informer notre commandant et vous encourrez pour de tels actes une amende assez importante.

    Dame Agnota Pristie, malgré les plantureux revenus que lui fournissent ses romans policiers est d'un naturel pingre et la séance terminée, elle me prend à part pour me proposer une petite transaction:

    -Ne pourrriez-Vous mon cher lieutenant et avec l'aide de mon imbécile de mari nous débarasser de ce personnage encombrant? 

    Je pése le pour et le contre, mon éducation m'oblige à déférer à la supplique de cette femme même si l'article 147 et 148 bis du réglement me commanderaient de dresser procés-verbal sur le champ.

    Nous nous retrouvons donc avec sir Samuel Pristie dans les coulisses basses et ronflantes du batîment, incroyable ce que nous pouvons transporter: moissonneuse-batteuse aussi bien que pédalo tout celà est patiemment rangé et nous n'avons point trop de mal à mettre la main sur le sarcophage égyptien que sir Sam, il a insisté pour que je l'appelle ainsi dorénavant, en toute familiarité donc, a enfoui dans une énorme malle de théâtre. Sous la profusion des voiles, costûmes et accessoires nous mettons à jour le sarcophage funéraire et nous l'ouvrons, non sans diifficultés.

    -Oooh! Nous exclamons-nous dans un unisson trés réussi.

    La boîte est vide! Pas plus de pharaon que de jeune première.

    -Quelqu'un vous l'aura barboté sir Sam? Hasardai-je sans plus de conviction.

    -Celà m'étonnerait, il a emporté ses cigarettes.

    Et cet homme qui m'a toujours semblé sensé jusque là de me détailler dans quelle intimité il a vécu ces dernières années prés de sa mômie:

    -... en fait il s'est "réveillé" lors du voyage de retour depuis Alexandrie, il supporte mal le bateau, le mal de mer associé sans doute à l'expatriation, les anciens égyptiens l'ont noté, ont une influence certaine sur les mômies, d'ailleurs regardez, il a rendu plusieurs fois, ici et là... et encore...

    Il me désigne de petits tas de quoi se dégage un remugle infernal.

    -... bien entendu je n' ai rien dit de cette "animation" soudaine à mon épouse, vous savez Bandonéon XXXVII est un trés brave garçon, nous avons tout de suite sympathisé, je lui ai offert des cigarettes, il y a pris goût, d'autant que celà calmait son mal de mer, arrivé à Highbury, je lui ai aménagé un entresol charmant chez nous, il est trés "plan-plan" comme vous dîtes en Belgique et tout se passait fort bien jusqu'au jour où Agnotha a décidé de mettre en vente Highbury Manor, il m'a fallu lui trouver un point de chute l'un de mes amis Howard Miller, un égyptologue réputé doublé d'un parfait gentleman m'a proposé de l'héberger dans sa propriété du New-Jersey. Ah comme je redoutais ce voyage...  

    De fait nous voilà avec un pharaon ingambe sur les bras, si j'ose dire.

    -... d'autant qu'il est un peu dépressif...

    -Ma foi on le serait à moins. Ricanai-je.

    -... et quand il verse dans la dépression et le spleen il a tendance à user et abuser de ses pouvoirs qui sont redoutables et tout à fait exorbitants de notre pauvre loi commune d'humain. Alors vous imaginez sur un bateau, lieutenant ce que celà pourrait donner!

    J'imagine trés bien le pharaon contre la fée à moustaches, ce serait joliment intéressant.


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