• Le 22 Juillet 1913, le Capitaine de Frégate François Madeleine-Bastille, surnommé JoliMumm, commandant du sous marin à vapeur d'attaque français Charles Deguaux-Lestoile, passe devant la Haute Cour de Justice Militaire réunie sous la présidence de l'Amiral Dupetit-Toutcourt . Il est accusé de bélligérance aggravée en temps de paix. Les audiences ont lieu à huis clos au Ministère de la Marine avant d'être transportées pour la commodité des débats au Panier Fleuri rue Cassette. Il est notamment reproché au Commandant Madeleine-Bastille l'usage inconsidéré et répété d'ustensiles de guerre tels que torpilles et canons au cours du printemps 1911  à l'encontre d'un batîment de croisière britannique dont le nom sera tenu secret par l'amirauté:

    "Question:Avez-vous engagé au cours du printemps 1911 lors de l'une de vos missions un batîment étranger?

    Réponse: Affirmatif le croiseur de bataille H.M.S. Inculabeule.

    Question: Pour quelle raison?

    Réponse: Raisons personnelles.

    Question: Nous respectons votre pudeur commandant malgré tout les actes de guerre commis sous pavillon français ne sauraient manifester de caractère privatif? Nous vous demandons la plus grande sincérité... Madame Suzette dîtes à ces dames de faire un peu moins de bruits je vous prie. 

    Réponse: Soit, lors de notre avitaillement à Anvers la Commodore Billings  a gravement mis en cause la qualité de notre marine de guerre, je lui ai demandé réparation, nos témoins ont convenu d'une rencontre, mais comme nous devions appareiller tous deux le lendemain, nous avons remis la rencontre à la fin de nos missions respectives, et ce dans un secteur convenu de l'atlantique-nord, les conditions étant à huit cent métres, dix coups au 88 de marine.

    Question: La rencontre a-t-elle eu lieu?

    Réponse: Affirmatif.

    Question: A quelle date?

    Réponse: Dans la nuit du 11 au 12 Avril 1911.

    Question: Quelle en a été l'issue?

    Réponse: Euh... nous avons reçu un coup direct dans la soute à charbon...

    Question: Oooh!

    Réponse: Mais nous leur avons explosé la cantîne des premiers maîtres et la salle à manger du commodore Billings.

    Question: Aaah! 

    Question: Quelles ont été les conséquences des dommages que vous avez subis?

    Réponse: Nous sômmes rentrés à la voile.

    Question: Pensez-vous que dans le cours de "votre affaire" des projectiles aient pu s'égarer?

    Réponse: Euh... nous avons été un peu long à l'engagement, des problêmes de hausse, en face ils nous ont encadrés trés large aussi au début,nous louvoyons tellement au milieu des icebergs que Billings a dû commander un tir éclairant pour s'y retrouver. C'était triché mais bon. Aprés, je dois à la vérité de dire que mon canon Saint Chamond porte à gauche et Billings c'est connu dans la marine britannique est tory il est donc possible qu'à un instant "i" nous ayons triangulé de conserve sur un point "t"...

    Question: Hum! Hum! Vous voulez dire un point "p" commandant.  Eh bien ma foi je tiens... la cour se tient pour satisfaite des réponses apportées par le commandant Madeleine-Bastille et le relaxe des chefs d'accusation, pour le reste nous n'avons pas à en connaître... la destinée de quelques obus perdus...  Madame Suzette vous pouvez apporter le champagne, vous connaissez les préférences du commandant!"

    Plus tard le capitaine de vaisseau Madeleine-Bastille deviendra l'un des héros de la résistance intérieure française sous le pseudonyme de commandant Bastille-Madeleine, arrêté par les allemands, torturé, passé à la râpe à fromage, râpé aux deux tiers ses derniers mots seront:

    -Comment... comment vous avez fait pour me reconnaître?

    Le conseil municipal de Paris a décidé le mois dernier de débaptiser la station de métro "Passy" pour suspicion d'arrières pensées vichyssoises et de la rebaptiser Madeleine-Bastille. 


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  • Le 5-4-1911. Aujourd'hui, aprés la nuit et la journée d'hier tellement trépides, rien à signaler... ah oui nous avons une nouvelle voie d'eau à bab... tribord cette fois, à droite quoi, oui c'est bien celà: "main droite qui torche et salut= tribord" petit procédé mnémotechnique appris au Collége Naval. C'est en manoeuvrant dans le port de Saouchamptonne lors de notre deuxiéme appareillage que nous avons heurté une baleinière, nous avions pourtant la priorité mais les usages se perdent. Informé l'ingénieur Carderond, aprés de savants calculs, nous a confirmé que celà n'aurait point de conséquences notables. Quand même dans l'aprés-midi je l'ai croisé à la coupée revenant de courses. Il avait acheté une quantité invraisemblable de ces bouées à tête de canard, quand je lui ai demandé s'il comptait en faire un usage prochain, il m'a répondu que c'était pour ses neveux Wilson en prévision de la Saint Nicholas et qu'il n'y a avait qu'ici qu'on en trouvait de semblables. Je m'interroge. Ah mon cher journal de bord quelle lumineuse idée a eu notre estimé commandant de m'en confier la rédaction, il m'est un fidéle compagnon que je prends plaisir à retrouver le soir à la chandelle: les plombes ont encore sauté.

    La journée s'est passée en divertissements divers et spirituels, elle a commencé au quatriéme entrepont des première classe par un concours de divas de fort belle tenue entre la Callasmitas et la Castapiane, la Castapiane trop chargée, le commendatore Manguerinini a beaucoup grossi, et n'étant pas à son poids de forme a échoué de deux longueurs. J'ai perdu deux guinées. 

    Aprés quoi j'ai rendu visite à la colonie française des troisiéme classe, comme d'habitude ils me reçoivent courtoisement mais il m'est impossible d'aller plus loin et de pénétrer même à l'intérieur, à chaque fois je bute sur une espéce de délégué, leur représentant qui m'accueille en chaussettes et en remettant son slip, je les soupçonne d'organiser des parties fines, celà m'a tout l'air de forniquer dans tous les coins, recoins et couloirs derrière. J'en informe le commandant qui me répond:

    -Mais laissez-les donc se divertir. Dîtes-moi lieutenant vous qui avez du goût, qu'est-ce que vous pensez de ce petit haut en panne de velours, celà ne fait pas trop habillé pour le souper?

    J'en référe au Révérend Hooples qui est d'avis de mettre tout ce monde  à fond de câle.

    -Aux fers! Mon cher! Aux fers! Mais voilà aurons-nous assez de fers lieutenant pour la durée du voyage?

    De fait l'on peut se demander pourquoi accepter des français en troisiéme classe quand ils seraient si bien en câle avec les animaux, dans leur élément donc.

    Quelques messieurs des premiére classe tiennent absolument à organiser une chasse à cour. Le commandant consulté ne s'y oppose pas dans le principe:

    -Ma foi il faut que tout le monde s'amuse. Mais une chasse à quoi? s'interroge-t-il avec un rude bon sens.

    Pump-Hurryman propose une chasse au papiste, à l'irlandais quoi, comme il y en avait dans son enfance, il en parle avec une grave émotion, cet homme cache une réelle sensibilité sous des dehors un peu rustiques.

    Ses dehors parlons-en, depuis qu'il porte des cartouchières, il est notable qu'il intimide les passagers, l'escopette et le sabre qu'il porte au côté ne sont pas là non plus pour mieux les rassurer. Avec le petit inspecteur de la Sureté Nationale française il organise des contrôle d'identité sur les ponts supérieurs, Mrs. Randolph Galways des briquetteries et cimenteries Galways a passé huit heures en garde à vue pour vérification approfondie d'identité et son valet de chambre a été notoirement battu.

    J'y mettrais volontiers bon ordre mais en tant que treiziéme officier, mes responsabilités sont plutôt relatives selon moi, mais pour le second Hugh Ponetime elles sont importantes:

    -Treiziéme officier mais mon petit vieux vous êtes là pour nous porter chance et croyez-moi nous en aurons rudement besoin pendant cette traversée!

    De fait je me console en pensant que Humpster-Dumpster un camarade de promotion n'est lui que quatorziéme officier et je peux témoigner qu'il ne s'est jamais tellement porté bonheur au long de sa scolarité au Collége Naval.

    Souvent je passe quelque temps au salon de lecture, la bibliothécaire Mademoiselle Shwartzgurd, une demoiselle suisse charmante quoique un peu trop demoiselle me conseille dans mes lectures, je concéde que ma culture générale est comme en jachêre mais depuis quelque temps les livres qu'elle me destine me semblent quelque peu olé! olé! Je cite deux titres au hasard : La feuille à l'envers et Souvenirs d'un garçon de bain. Ils sont d'autant plus choquants qu' l'on n'y comprend rien et sont d'une complication désarmante. Je décide de m'en ouvrir à elle:

    -Je suis surpris Mademoiselle, je n'imaginais pas que de tels ouvrages fussent en dotation sur un batiment de la Red Star Line

    -Oh ils sont bien innocents lieutenant, tenez je viens d'en recevoir un trés bien illustré qui vous...

    -Puis-je vous demander quelle est leur provenance mademoiselle?

    -C'est un passager français de la troisiéme classe qui me les prête, un homme charmant.

    -Un français de troisiéme classe! J'aurais du m'en douter.

    -Allons lieutenant ne soyez pas si rigide... enfin pas maintenant, pas tout de suite j'ai encore du monde. Tenez voulez-vous que nous nous voyions ce soir chez Madame la baronne von Plombenheim, j'y organise une séance de spiritisme.

    -Vous... vous êtes médium Mademoiselle?

    -J'ai quelques dons savez-vous et puis une demoiselle de bonne éducation mais sans fortune doit savoir se débrouiller.

    Elle rit mais avec un accent anversois qui me surprend chez une suisse, surtout demoiselle.

    -Dame Agnota Pristie m'a promis de venir, ces choses-là la passionnent en ce moment presqu'autant que l'étude de la langue espagnole qu'elle a entreprise. Vous viendrez lieutenant?

    -Je... je ne sais pas... pas encore Mademoiselle, le service commande.

    Au moment où je la quitte elle me glisse un petit livre dans la poche, je parierais qu'il est lui aussi illustré.

    Je profite de quelque répit pour aller visiter les entrailles pour ne pas dire les intestins de ce batîment étonnant.

    La construction en fut confiée aux chantiers écossais Mac Duff & Mac Duff qui ont pour particularité d'être situés un peu en altitude, trés exactement sur l'une des collines au dessus de la Tyre que l'on nomme là-bas avec un peu de préténtion le Mont MacDonuts et qui n'a guère plus de 50 pieds de haut, malgré tout le lancement des paquebots  est rien moins que spectaculaire, d'autant que parti d'en haut, il doit pour arriver en bas, soit dans l'embouchure de La Tyre avec un brin d'éclaboussures , on l'imaginera, traverser la ville avec un réel entrain dévastateur, coutûme calédonienne immémorialement reconduite dans une bonne humeur entretenue à l'alcool de grains mais qui a quand même fait une cinquantaine de morts la fois dernière, il faut dire que ces braves gens avaient oublié qu'il n'y avait pas une seule mais deux mise à flôt le même jour puisque le sistership du R.M.S. Terribeule, le R.M.S. Alsolotofpipeule recevait lui aussi le baptême champagnisée. 

    Il faut avoir vu ces chaudières, chacune plus haute qu'une locomotive, coiffées de cheminées qui valent monument et ces hommes qui alimentent le foyer du progrés, progrés qui ne les a point oublié dans sa marche, à preuve ces douches permanentes qui les lavent du poussier et de la fumée... Renseignements pris auprés de l'un des chauffeurs, ce ne sont point des douches permanentes mais des fissures occasionnelles, bien entendu celà n'enléve rien aux mérites de tels travailleurs, oups ce qu'il fait chaud là-dedans! Je ne parle point des hélices qui étaient au nombre de cinq au départ, nous en avons perdu une on ne sait trop où mais il en reste quatre fidéles au poste et d'une vélocité prouvée à la mer. Les rats crevés eux-mêmes sont issus des meilleures élevages industriels et reçoivent une formation soignée m'a assuré Carderond l'autre soir. J'écourte ma visite officieuse auprés de tous ces gens industrieux non sans les avoir chaudement félicité, tous et chacun.

    -'d rien mon 'tit pôte... t'seras t'jours le bienvenu si tu viens a'c une boteille comme ça!

     Ce que ces gens peuvent boire c'est étonnant!

    Je me dépêche car je n'ai que le temps de passer un unifôrme propre pour me rendre à l'invitation de Mrs. Shwartzgurd, j'ai hâte de rencontrer à nouveau Sir Samuel Pristie et son épouse. En me déshabillant je découvre que l'opuscule illustré que m'avait offert la libraire a disparu au cours de mon périple ouvrier.


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  • Cool Britannia

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  • Il était écrit que cette soirée n'en finirait pas, je pris mon vélo pour regagner ma cabine, le cher Humpster qui est insomniaque ayant accepté d'effectuer mon quart, il faut dire que ce garçon est un inquiet qui passe son temps à guetter de ses jumelles, pont, entrepont, sous-pont, sur-pont, passerelles, entours et alentours et ainsi qu'il le dit en paquebot quand il ne conduit pas il a peur, ma foi nous profitons tous de ces dispositions, y compris le second Hugh Ponatime qui lui fait toute confiance .

    -De toutes les façons mon cher Humpster, vous ne pouvez pas vous tromper New-York c'est toujours tout droit, en 20 ans de carrière je ne l'ai raté que deux fois et encore de fort peu! 

    Sans le vouloir, je me retrouvais à fumer un dernier panatella à l'endroit même où nous étions la veille avec sir Samuel Pristie. Je souriais, mentalement, à l'évocation de ses propos, auxquels j'accordais peu de foi.

    Aussi 'pristi quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu'en levant la tête au moment où j'allais quitter les lieux, rassuré, j'aperçus une ombre bedonnante qui se déplaçait avec une adresse de chat paresseux ou trop nourri entre les cheminées, à sa première volte je vis avec horreur qu'il avait une piéce de tissu écossais  au cul de son collant noir.

    Sir Samuel Pristie n'avait donc rien inventé. L'homme se retourna tout à fait et m'aperçut, suprême défi, misant sur la distance et la hauteur qui nous séparaient, il releva son masque et me fixa de son regard, que je n'hésiterais pas à qualifier de magnétique, aimanté, une telle intensité oculaire que je fus pris d'une sorte de vertige psychique suivi trés vite d'un désordre intestinal tout à fait vérifiable.

    J'enjambai aussitôt ma bicyclette et pédalais avec une inspiration que je ne me connaissais pas et qui me propulsa vitement à l'autre bout du pont, j'avais oublié que l'engin était démuni de freins, une économie faite lors de la commande que je regrettais maintenant, et je basculais par dessus la rambarde du passavant et tombais.

    Celà dura quelque temps, par miracle quand je me réveillai de ma chute, je n'étais point entre les vagues mais dans les bras d'un épouvantail, j'avais atterri dans le champ de patates des irlandais, je levai les yeux, ils venaient à moi, en foule chantante, buvante et trinquante, accompagnée d'accordéon, sans doute avaient-ils eux aussi organisé quelque fête vôtive, n'oublions pas que c'est, ainsi que le dit le Révérend Hooples: "un peuple tout embarassé de saints", et je m'écriai, mentalement: 

    -Mais merde personne ne dort donc à bord de ce foutu bateau! 

    -Eh ben mon gars il y a mieux à faire ce soir que de peloter l'épouvantail! S'exclama un aimable géant roux qui m'aida à me relever. Oh mais tu t'es fait dessus mon gars! On va te trouver des chausses propres. 

    Les pantalons étaient trop grands et les bretelles sans élasticité aucune, sans compter que ces pantalons de jardiniers juraient avec mon joli spencer blanc mais enfin ils se montrèrent tous charmants. Ils n'avaient pas souvent la visite d'officier et quand Pump-Hurryman qui n'était que commissaire de bord se déplaçait jusqu'à eux il se faisait toujour précéder de quelques salves et coups de crosse.

    Ils me firent les honneurs de leur installation, ils étaient certes étroitement pourvus mais ma foi fort ingénieusement organisés. Surtout ils vouaient un cûlte quelque peu barbare à leurs traditions.

    J'avisai dans un recoin de la calle une espéce de comptoir fait d'une longue traverse en bois en équilibre sur deux tonneaux, trois vieilles femmes trônaient de l'autre côté.

    -Je prendrais bien quelque rafraîchissement, dis-je avec entrain, altéré et gagné par la chaleur ambiante. Quelque pinte de votre bonne bière Madame, s'il vous plaît.

    Le géant roux me prit par le col et me ramena vivement en arrière tandis que la vieille femme marmonnait:

    -On ne passe pas derrière le comptoir! 

    -Vous êtes fou on ne dérange pas les fées l'ami sans quoi elle vous jette un sort et vous pourriez bien remplacer l'épouvantail. Au départ c'était un marchand de lard de Dublin, mais il cherchait toujours à faire de trop bonnes affaires!

    Non, je ne rêvais pas, j'avais correctement entendu, d'ailleurs il prit le temps de me faire servir une pinte de bière chaude par l'une de ses accortes cousines et de m'expliquer que les irlandais, race nomade, ne s'embarquaient jamais, quelque soit la destination, sans une délégation de fées dûment assermentées.

    -Méfiez-vous surtout de la plus vieille, c'est une bretonne, elle était en visite chez sa belle-soeur, et elle a absolument voulu embarquer, elle est trés réglement-réglement!  

    A dire le vrai ces trois fées à moustache ne m'impressionnaient guère, peut-être avais-je trop bu, je profitais de l'absence du géant roux pour m'apprôcher d'elles, elles avaient repris leurs tricot, chose étrange elles tricotaient sans aiguilles le même ouvrage, une espéce de poule-over jaune et brillant d'une bonne dizaine de mètres de long:

    -Alors Mesdames le voyage vous plaît-il?

    La bretonne sans lever la tête de leur ouvrage commun répéta son antienne:

    -On ne passe pas derrière le comptoir!

    -Vous tricotez mesdames un tricot pour un géant hum! hum!

    -C'est pas un tricot c'est un canot pneumatique double paroi! J'ai dit pas derrière le comptoir, il nous emmerde ce con-là! Chabada ouah  les bretelles en bas et le cul sur la cheminée là-bas!

    De fait, et je peux en témoigner, je me retrouvais derechef perché tout au haut de l'une des cheminées, les pieds battant l'air et les bretelles en bas tout à fait comme prophétisé par la fée à moustaches.

    Un fort désagréable moment dans une aussi détestable postûre. Maintenent il s'agissait de trouver le moyen de descendre sans trop perdre en dignité et contrôle de soi. J'inspectais, d'un regard adroit et curieux et même pressant les alentours immédiats, je levais la tête enfin au moment où nous passions sous un pont, un trés grand, trés haut heureusement, pont de fer. Les plus observateurs marqueront qu'un tel monument malgré toute son utilité n'avait rien à faire en plein océan et je m'en fis trés vite l'observation. Se pouvait-il que cet imbécile d'Humpster plutôt que d'éxécuter la plus rectiligne des routes possibles telle que préconisée dans tous les manuels de navigation maritîme, nous eut pour ainsi dire "mené en bateau" en une circumnavigation autour du port de Saouchamptonne tout à fait hors de propos. Trés vite me parvinrent les échos d'un branle-bas sur le pont haut qui confirma ma conclusion, j'entendis la voix de notre commandant qui semblait avoir recouvré tout son impérium. Oh là la celà chantait  et je commençais de me réjouir de ma position dominante quand j'avisai deux minuscules bonshommes trés en dessous de moi qui me prirent à parti.

    -Dîtes don' vous là qu'est-ce v'us foutez là-haut! Descendez tout de suite!

    Le petit bonhomme ridicule s'exprimait en français parisien avec des accents autoritaires de gendarme corrézien. 

    Je levais les mains en l'air en signe d'incapacité.

    -'futez de moi, 'voyez pas l'échelle su' le côté!

    Il avait raison notre bateau était quand même joliment équipé.

    J'éxécutais la manoeuvre et me retrouvais assez vite en face des deux bonshommes, l'un n'était autre que sir Samuel Pristie en robe de chambre à brandebourgs et la moustache sous résille, bref encore en tenue de nuit, l'autre, je ne le connaissais pas. Il était court sur pattes, portait Cronstadt et bacchantes. Il profitait de l'autorité que lui donnait mon allure quelque peu ridicule, il me fallait en effet retenir le pantalon trop large qui me tombait aux genoux.

    -Oh mais c'est vous Lieutenant, mais qu'est ce que vous faisiez donc là-haut me demanda Pristie amical.

    -Visite d'inspection.

    -Vous avez une drôle de tenue d'inspection dîtes voir. Ricana le petit français détestable. 'longtemps que vous faîtes le perroquet là-haut?

    -Une petite dizaine de minutes sans compter le temps du vol.

    -Le vol? Quel vol? Et v'z'avez rien vu?

    -Il y avait à voir?

    Le petit français se présenta, il était inspecteur à la Sureté Nationale française et s'appelait quelque chose comme: Pipola Narcosie! Avec un point d'exclamation précisa-t-il comme dans "Halte!" "circulez!" ou "vos papiers!" 

    -A propos vous avez vos papiers!

    Sir Samuel intervint vivement en voyant les mauvaises dispositions de son compagnon à mon endroit:

    -Mais enfin le lieutenant est honorablement connu à bord, le commandant pourrait en témoigner même...

    -Les logeuses on les achéte avec le rond, je connais ça, papiers et vite!

    Je lui montrais ma carte de membre du Club des anciens farceurs du collége ancien d'Abburton qui supportait pour principal ornement ma photographie en barbe et portant fés qui lui sembla tout à fait réglementaire  car il ne lisait point l'anglais. 

    Ces formalités satisfaites Sir Samuel Pristie poursuivit les présentations:

    -Vous n'êtes pas sans savoir que l'inspecteur, qui est l'un des meilleurs policiers français, traque depuis des années, sans pouvoir le saisir, le fameux Fantaltomas l'insaisissable assassin , or il existe selon lui de fortes présomptions pour que cet être désolant soit à notre bord, j'ajoute que Mrs. Pristie a reçu ce matin une lettre de menace circonstanciée signé de ce monsieur et dans laquelle il se proposait rien moins que de la violenter avec force détails évocateurs, depuis ce matin elle ne me parle que de celà et ne cesse de m'envoyer en course aux quatre coins du batîment, il m'a même fallu me barriccader dans ma salle de bains une partie de la soirée, sans ce bienvenu steward bolivien je crois bien que j'y passais toute la nuit. 

      


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  • The Pinguins World Council

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